Tout a commencé par une question simple sur un groupe de discussion dédié au Zéro Déchet : "Est-ce normal que quand je fais la vaisselle avec mon VRAI savon de Marseille, il y a un film gras sur la vaisselle ?" Ben non ce n’est pas normal... J'avais déjà eu ce retour, et je me disais que c'était sûrement expliqué par un savon de mauvaise qualité... Cependant cette fois-là, le savon semblait de bonne qualité, en tout cas sur le papier...
De plus, je me questionnais depuis longtemps sur le savon de Marseille de mon enfance, que nous ramenions de chez mes grands-parents et qui, dans mon souvenir de petite fille était jaune et non pas vert... J'ai alors décidé d'en savoir plus et ai commencé mes recherches sur le savon de Marseille.
Afin de bien choisir son savon, il faut d’abord savoir ce qu’est exactement un savon de Marseille, et pour le savoir, il faut comprendre l’histoire de cet emblématique savon, qui suit l’histoire de France…
J’ai appris beaucoup de choses, que j’ai essayé de résumer au maximum. Cependant, les informations étaient nombreuses et si je mettais tout en un seul article, cela aurait été trop long ! Ainsi, ce n’est pas un mais trois articles que je vais vous proposer : le premier pour comprendre, à travers son histoire, ce qu’est le savon de Marseille, le deuxième pour bien le choisir et enfin le troisième sur son utilisation.
Le savon est utilisé en France depuis l'antiquité. À l'origine, il était fabriqué à partir de graisse animale et de cendres.
Au moyen âge, lors de Croisades, le bassin méditerranéen et notamment Marseille, a découvert le savon d'Alep, fabriqué à partir d'huile d'olive et de baies de laurier. Le savon de Marseille historique, à base d’huile d’olive, est donc né à cette époque et les manufactures se sont développées entre le XIIème et le XVIème siècle.
En 1688, un édit de Louis XIV vient réglementer la fabrication. Cet édit stipule notamment que : " On ne pourra se servir dans la fabrique de savon, avec la barrille, soude ou cendre, d'aucune graisse, beurre ni autres matières ; mais seulement des huiles d'olives pures, et sans mélange de graisse, sous peine de confiscation des marchandises". De plus, les savonneries devaient interrompre leur activité pendant l'été, les fortes chaleurs nuisant à la qualité du savon séchant en extérieur. Le savon de Marseille devient donc une institution, renommée pour sa grande qualité, et son développement s'accélère et les savonneries se multiplient.
A ce moment de l’histoire, le savon de Marseille est défini à la fois par un mode de fabrication et des ingrédients (l’huile d’olive étant la seule utilisée).
En 1786 la région marseillaise compte 89 fabriques qui produisent chaque année 76 000 Tonnes de savons et emploient 600 ouvriers. Cette industrie résiste même à la révolution française.
En 1812, Napoléon, sensible à la qualité du savon de Marseille rédige un décret pour garantir l'origine géographique du savon de Marseille. Ce décret précise que « la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l'huile d'olive constituée par un pentagone dans lequel apparaît en son milieu les mots « huile d'olive, le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille ».
Au XIXème siècle, les savonneries marseillaises subissent la concurrence des fabriques parisiennes et anglaises qui utilisent des matières premières d'origine animales, donc moins onéreuses.
Parallèlement, de nouvelles matières premières sont importées et notamment l'huile de palme et de coco qui sont rentrées dans la recette du savon de Marseille et viennent petit à petit, s'ajouter voire remplacer l'huile d'olive. Le savon de Marseille change donc de couleur et devient plutôt jaune…
Au début du XXème siècle, le chimiste marseillais François Merklen fixe la formule du savon de Marseille à 72% d'huile végétale complété par de la soude et de l'eau. En 1927, la cours d'appel d' Aix en Provence et la cours d'appel en 1928 garantissent la fabrication du savon de Marseille uniquement à partir d'huile végétales à 72% minimum.
Exit l'huile d'olive exclusive...
On retrouve donc sur le marché deux types de savons de Marseille : le vert, à base d’huile d’olives et le Jaune, à base d’autres huiles végétales, essentiellement l’huile de palme et de coco.
L'industrie du savon de Marseille périclite pendant les deux guerres mondiales puis subit, après la deuxième guerre mondiale, la concurrence des détergents synthétiques importés des États-Unis.
Depuis les années 1980, le savon de Marseille connaît un nouveau regain, accéléré ces dernières années, dans un contexte de retour au naturel et de prise de conscience écologique. Seulement voilà, l’appellation "Savon de Marseille" n’est pas protégée par une indication géographique protégée, les savonniers subissent donc la concurrence de firmes apposant le nom de Savon de Marseille sur des savons fabriqués loin, voire très loin de Marseille, avec des ajouts (alcool, conservateurs, beurres végétaux…) et parfois à base de matières animales !
L’appellation n’étant pas protégée, en 2011 un regroupement des 4 savonneries marseillaises traditionnelles voit le jour : l’union des professionnels des savons de Marseille regroupe :
- La Savonnerie Marius Fabre
- La Savonnerie de Fer à Cheval
- La Savonnerie du Midi
- La Savonnerie du Sérial
Ce regroupement milite pour une reconnaissance officielle du savon de Marseille et ont déposé un label « Savon de Marseille » répondant à trois critères :
- Processus de Fabrication à chaud en 5 étapes
- Matières premières : 7 au maximum, toutes végétales, aucun parfum, aucun conservateur, aucun colorant, aucun additif, pas de graisse animale. 72% minimum de matière grasse végétale.
- Lieu de fabrication : département des bouches du Rhône.
Vous l’aurez noté, ce regroupement milite pour que le "vrai" savon de Marseille ne comporte dans sa formulation que des huiles végétales, mais aucune restriction n’est faite par rapport aux types des huiles. Ainsi, un savon ne contenant pas du tout d’huile d’olive peut non seulement être estampillé « Savon de Marseille » et ce sous la direction des quatre Savonneries se définissant comme garant de l’authentique savon de Marseille !
Par ailleurs, selon ce regroupement, ce label garantit un savon de Marseille authentique et de qualité. Seulement voilà, le savon à l’origine de mon questionnement provient d’une de ces trois savonneries ! J’ai donc poursuivi mes investigations, notamment en analysant la composition des savons de ces quatre savonneries et vous ferai part de mes trouvailles dans un deuxième article qui vous permettra donc de mieux choisir votre savon de Marseille.
A suivre...
Références:
https://www.challenges.fr/industrie/indication-geographique-indispensable-et-si-fragile-savon-de-marseille_739142
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